La bonté du rémora est un roman psychologique à intrigues, un récit hybride qui se révèle en ellipse, entre passé et présent, alternant entre ironie, humour et tragédie. C’est l’histoire de Françoise-Émilie Beausoleil-Dutil-Fred, 42 ans, médecin d’urgence, marquée par un passé familial tragique tissé de pertes et de drames qui a fait d’elle, non pas une âme perdue, mais une battante.
Sa relation avec son père, pathologiste à la carrure de grand prédateur, amateur de poissons exotiques qu’il tient enfermés dans des aquariums luxueux pour mieux les admirer, est au cœur de ce récit. Cet être sombre et intransigeant disparu depuis de nombreuses années reviendra tout à coup dans sa vie et ce retour inattendu la précipitera dans une spirale dangereuse qui remettra tout en question... sans pour autant ralentir sa quête dangereuse pour une certaine rédemption.
Ce roman se veut l’autopsie d’une loyauté atavique incurable, de celles qui nous altèrent irrémédiablement. Y a -t-il des limites à ce que nous sommes prêts à faire pour sauver nos enfants ? Est-ce qu’à trop vouloir faire le bien, on peut faire mal ?
La bonté du rémora est un roman psychologique à intrigues, un récit hybride qui se révèle en ellipse, entre passé et présent, alternant entre ironie, humour et tragédie. C’est l’histoire de Françoise-Émilie Beausoleil-Dutil-Fred, 42 ans, médecin d’urgence, marquée par un passé familial tragique tissé de pertes et de drames qui a fait d’elle, non pas une âme perdue, mais une battante.
Sa relation avec son père, pathologiste à la carrure de grand prédateur, amateur de poissons exotiques qu’il tient enfermés dans des aquariums luxueux pour mieux les admirer, est au cœur de ce récit. Cet être sombre et intransigeant disparu depuis de nombreuses années reviendra tout à coup dans sa vie et ce retour inattendu la précipitera dans une spirale dangereuse qui remettra tout en question... sans pour autant ralentir sa quête dangereuse pour une certaine rédemption.
Ce roman se veut l’autopsie d’une loyauté atavique incurable, de celles qui nous altèrent irrémédiablement. Y a -t-il des limites à ce que nous sommes prêts à faire pour sauver nos enfants ? Est-ce qu’à trop vouloir faire le bien, on peut faire mal ?
« Quelle écriture! Dès le début l'auteure nous fait entrer dans les personnages et on s'y attache. Tout au long de l'histoire, elle déjoue nos prédictions et ce, jusqu'à la toute fin. J'ai passé un très beau moment, à quand le prochain livre? »
Sylvie Vallières
« Pour moi La bonté du rémora se résume en une histoire captivante de famille, d’amour, de passion et de trahison. L’auteure Hélène Quesnel sait définitivement comment nous tenir en haleine et ficèle l'intrigue avec ingéniosité. J’avais toujours envie d’en savoir plus sur ces personnages que je qualifierais de profonds, troublés et attachants. La fin est inattendue, ce qui nous laisse imaginer qu’il y aura peut-être une suite? Si tel est le cas, on l’attend avec impatience ! »
Ariane Villeneuve-Dumas
« Quelle plume! Je suis sous le charme. Difficile de croire que c’est un premier roman! C’est dense, fouillé, intéressant, tant au plan de l’intrigue que des références médicales et marines. Et tes titres de chapitres! Brillants. Il y a tant d’auteur.e.s qui ont un style plat et ça me fait passer en mode correction d’épreuve. Je décolle du contenu pour réviser la forme. C’est signe pour moi que ce n’est pas bon. Ça ne m’est pas arrivé du tout avec La Bonté du rémora et j’en suis ravie. »
Diane Normand, traductrice
Une ex-jeune collègue a publié récemment un premier roman. Un « thriller » sans être un polar ou un livre d’horreur, loin de là. Une introspection psychologique poussée. Beaucoup de souffle, une écriture de qualité, très serrée, moderne, jeune, une cadence intense, rythmée par une cascade successive d’événements qui nous surprennent, nous tiennent en haleine jusqu’à la fin. On ressent le fruit d’une grande expérience en écriture créative et marketing avec ses phrases chocs, ses formules encapsulées et son humour. Sur toile de fond de l’univers des soins hospitaliers d’urgence dans le présent, nous suivons l’histoire d’une urgentiste, Fred, le personnage principal, tant dans son quotidien intense que dans son passé familial turbulent (...).Un événement, en sous-couche des plus meurtrières, forgera la toile complexe de sa relation avec son père, sa sœur, sa propre cellule familiale, de même, évidemment, que son propre caractère complexe, mais attachant pour le lecteur (...). Mais une dernière surprise nous attend. Et puis, ce titre intriguant, sujet à interprétation...
Marcel Barthes
« …Si souvent dans mon boulot j’ai vu de ces désespérés qui, après avoir tenté d’en finir, se réveillaient quand même contents qu’on les ait empêchés de trépasser.
Le plus chanceux d’entre eux, l’un de nos habitués à l’urgence, avait encore une fois été ramené à la vie malgré, cette fois, un dernier essai sérieusement bien planifié. Non seulement s’était-il remis du trajet sans faute du projectile qu’il s’était envoyé du dessous du menton vers le point le plus élevé de son crâne, mais il en avait retiré des bénéfices inespérés. Ça l’avait rendu sympathique, alors qu’il ne l’était pas du tout avant. (…)
La balle avait très précisément désintégré, dans sa trajectoire, le petit bout de son cortex préfrontal qui faisait de lui un dépressif chronique et un être ignoble depuis qu’il était en âge d’avoir envie d’en finir avec la vie. Un genre de miracle. (…)
Quand je l’ai revu, trois semaines plus tard, rayonnant dans son lit immaculé, il m’avait embrassée en riant, prêt à affronter tous les tourments que lui promettait l’existence, planant à travers son petit bonheur tout neuf (…)
Quand elle tenait la main d’un patient agonisant par exemple, elle aurait peut-être aimé se savoir bonne, spontanément, d’une vraie bonté pure et parfaitement ressentie. Un sentiment qui l’aurait rassurée quant à l’authenticité de son geste, elle qui devait être une championne du dévouement bienveillant. Là, elle hésitait à prendre dans ses bras Maurice, 79 ans, diabétique, amputé des deux jambes, qui la couvait d’un regard rempli d’une douceur très médicamentée. Il était si heureux d’être en vie. Si pour dans sa souffrance. Pour ça, elle appréciait ses malades. Avec eux, on savait à quoi s’en tenir. La souffrance vous dépouille de tant de perfidie.
Se sentait-elle si coupable, à bien y penser (…) »
« …Si souvent dans mon boulot j’ai vu de ces désespérés qui, après avoir tenté d’en finir, se réveillaient quand même contents qu’on les ait empêchés de trépasser.
Le plus chanceux d’entre eux, l’un de nos habitués à l’urgence, avait encore une fois été ramené à la vie malgré, cette fois, un dernier essai sérieusement bien planifié. Non seulement s’était-il remis du trajet sans faute du projectile qu’il s’était envoyé du dessous du menton vers le point le plus élevé de son crâne, mais il en avait retiré des bénéfices inespérés. Ça l’avait rendu sympathique, alors qu’il ne l’était pas du tout avant. (…)
La balle avait très précisément désintégré, dans sa trajectoire, le petit bout de son cortex préfrontal qui faisait de lui un dépressif chronique et un être ignoble depuis qu’il était en âge d’avoir envie d’en finir avec la vie. Un genre de miracle. (…)
Quand je l’ai revu, trois semaines plus tard, rayonnant dans son lit immaculé, il m’avait embrassée en riant, prêt à affronter tous les tourments que lui promettait l’existence, planant à travers son petit bonheur tout neuf (…)
Quand elle tenait la main d’un patient agonisant par exemple, elle aurait peut-être aimé se savoir bonne, spontanément, d’une vraie bonté pure et parfaitement ressentie. Un sentiment qui l’aurait rassurée quant à l’authenticité de son geste, elle qui devait être une championne du dévouement bienveillant. Là, elle hésitait à prendre dans ses bras Maurice, 79 ans, diabétique, amputé des deux jambes, qui la couvait d’un regard rempli d’une douceur très médicamentée. Il était si heureux d’être en vie. Si pour dans sa souffrance. Pour ça, elle appréciait ses malades. Avec eux, on savait à quoi s’en tenir. La souffrance vous dépouille de tant de perfidie.
Se sentait-elle si coupable, à bien y penser (…) »
« … on doit soigner beaucoup trop d’humains en même temps. Jouer à être bon, comme dans “ouvrir son cœur”, je dirais que c’est un risque professionnel... De toute façon quand ils me crient dessus ou qu’ils souffrent trop, ils ne me voient même plus. Ils n’en ont rien à foutre de ma bonté. »
« … on doit soigner beaucoup trop d’humains en même temps. Jouer à être bon, comme dans “ouvrir son cœur”, je dirais que c’est un risque professionnel... De toute façon quand ils me crient dessus ou qu’ils souffrent trop, ils ne me voient même plus. Ils n’en ont rien à foutre de ma bonté. »
ON A PARLÉ DE LA BONTÉ DU RÉMORA
ON A PARLÉ DE LA BONTÉ DU RÉMORA
Je côtoie depuis des lustres le milieu des urgences hospitalières : plusieurs personnes de mon entourage y travaillent. Je suis fascinée par l’extrême humanité qui s’y déploie, j’en collectionne les histoires depuis toujours, j’imagine mille autres vies à ces patients qui traversent les expériences les plus surprenantes et les plus aberrantes cruautés du sort.
Je respecte profondément les travailleurs de l’urgence, j’aime décortiquer les petites et grandes caractéristiques de leur quotidien, leurs tics et leur égo, parfois surdimensionné.
J’admire leur dévouement, leur approche systématique et hautement professionnelle du drame et des variétés infinies des états humains. J’adore aussi caricaturer, en général, on l’aura compris : c’est mon métier, de pousser la réalité hors des sentiers, pour la faire basculer dans la fiction la plus surprenante. Toutes les histoires [ou presque] racontées dans La Bonté du rémora sont vraies et ont été vécues. C’est ce que je chéris le plus en écriture : arracher à la réalité sa nourriture romanesque… comme le rémora sur le dos du requin.
Hélène Quesnel
Je côtoie depuis des lustres le milieu des urgences hospitalières : plusieurs personnes de mon entourage y travaillent. Je suis fascinée par l’extrême humanité qui s’y déploie, j’en collectionne les histoires depuis toujours, j’imagine mille autres vies à ces patients qui traversent les expériences les plus surprenantes et les plus aberrantes cruautés du sort.
Je respecte profondément les travailleurs de l’urgence, j’aime décortiquer les petites et grandes caractéristiques de leur quotidien, leurs tics et leur égo, parfois surdimensionné.
J’admire leur dévouement, leur approche systématique et hautement professionnelle du drame et des variétés infinies des états humains. J’adore aussi caricaturer, en général, on l’aura compris : c’est mon métier, de pousser la réalité hors des sentiers, pour la faire basculer dans la fiction la plus surprenante. Toutes les histoires [ou presque] racontées dans La Bonté du rémora sont vraies et ont été vécues. C’est ce que je chéris le plus en écriture : arracher à la réalité sa nourriture romanesque… comme le rémora sur le dos du requin.
Hélène Quesnel
«Il est insaisissable, mystérieux. Unique par sa façon de survivre… Le rémora est un poisson qui doit s’attacher à plus gros et plus dangereux que lui, au risque parfois de se faire dévorer tout rond. C’est un animal qu’on pourrait dire rusé, qui permet à son hôte de tolérer ses propres parasites en l’aidant à se nettoyer. Qui se nourrit des scories de l’autre pour grandir et évoluer. Dans un devoir de fausse loyauté. Dans une relation inégale et féroce. Nécessaire et cruelle. Une vie de famille dysfonctionnelle, en somme.
Le rémora est un poisson qui vidange les inconforts de son hôte à travers un lien qu’on dit commensal, mais qui n’a rien de sympathique. La vie est ainsi faite, injuste et à bénéfices variables.
En eaux profondes, on apprend à se battre.
(…) Ses merveilleux jumeaux.
La vie de Fred s’enroulait autour de ces deux êtres, s’imbibait de leur réalité, de leurs besoins, de leurs soucis, alors que rien ne l’avait jamais préparée à ça.
Depuis la minute même où elle avait pris la décision de ne pas les éliminer de son existence, Fred avait été consumée par l’obsession de les préserver de tout.
Il y avait eu l’image dans l’écran à l’échographie. Elle y était allée à cause de ces crampes qui lui faisaient suspecter une grossesse ectopique, ce qui aurait signifié un autre type d’avortement. Sa décision était prise, depuis le jour où elle avait su : devenir mère était une impossibilité.
Fred avait retardé le rendez-vous pour cause de surcharge de travail. Elle venait d’être nommée au poste de présidente de l’Association des médecins d’urgence, devait finaliser la recherche en toxico sur laquelle elle planchait depuis des mois et remettre un rapport d’étude sur les surdoses d’opioïdes.
Il y avait aussi qu’elle aurait préféré être condamnée à remplir des demandes de subvention et des millions de colonnes de chiffres à perpétuité plutôt que d’aller se faire avorter. C’était quand même perturbant, elle qui avait fait serment de ne jamais porter atteinte à l’intégrité d’un être humain. Et puis il y avait la honte : elle avait été stupide. Huit semaines sans règles et elle n’avait pas levé le drapeau. Elle avait pourtant assisté à tous ses cours de gynéco, s'y était même intéressée. Avait fini son stage en obstétrique avec les félicitations de ses directeurs qui l’encourageaient à en faire sa spécialité. Elle. Mettre des bébés au monde. Aider à créer des familles. Ils ne la connaissaient tellement pas.
Huit semaines sans menstruation, donc. Un plus un égal quoi, Docteure ?
Son inconscient avait refusé l’équation : sa nuit avec Maxime + le moment du mois + un mode de contraception déficient… ne pouvait pas vouloir dire ça.
Sur la civière étroite de la salle d’échographie, elle avait vu, en même temps que le technicien, les deux embryons. Qui lui avaient fait des petits signes avec leurs mains minuscules, elle en était certaine, elle les voyait très bien, tout en se répétant qu’elle hallucinait.
Le technicien n’avait pas trop su comment réagir devant cette résidente en médecine d’urgence, dont il ne connaissait que la réputation de bulldozer, qui lui faisait une crise d’hyperventilation.
En respirant à fond dans son sac de papier, elle avait expliqué qu’ils étaient dans une pièce fermée et qu’elle réagissait très mal à l’emprisonnement à cause de sa claustrophobie. Mais ce qu’ils regardaient à l’écran à ce moment précis n’avait rien à voir avec sa maladie mentale, avait-elle blagué, la sueur au front.
Le sac de papier vissé au visage, Fred, incrédule, fixait les deux crevettes. Elles flottaient à la surface de cet espace noir au fond d’elle, petits monstres en mission commandée plantés là pour changer la trajectoire de sa vie.
Ça tournait dans sa tête : dans l’absolu, très loin dans son imagination, un embryon s’éliminait. Deux, non. Elle ne pouvait pas.
Ce qu’elle voyait n’était plus une notion numérique nominale abstraite, mais une entité porteuse d’une autre réalité, impossible à appréhender désormais sous sa forme initiale. Genre, une famille. Devant elle, dans l’écran, il y avait un bébé, plus un autre bébé, qui, en plus, bougeaient. Et ça devenait trop d’humains.
Nos certitudes peuvent avoir plusieurs fondements contradictoires, c’est fou. Tu ne tueras pas ton prochain, sauf s’il est un ?
Depuis ce moment-là, sur la table d’examen, Fred n’avait plus eu comme seul objectif que de les protéger de tout et surtout d’elle-même. En se promettant de rester lucide, de ne plus refuser de regarder la réalité en face. Pour eux.
C’était aussi pour cette raison qu’elle les avait confiés à leur père.
Fred ignorait si les gestes qu’elle accomplissait dans le cadre de sa pratique avaient toujours quelque chose à voir avec son besoin de préserver le bien-être des personnes en chair et en os demandant son aide. Certains jours, elle en doutait fortement.
Mais pour ses jumeaux, oui. Elle savait.
Adrien avait-il pu avoir ce même sentiment oppressant, avant elle, devant l’infinie lourdeur de la responsabilité d’un enfant ? s’était-elle interrogée. Même si aujourd’hui, elle avait attaché des cordes, tiré des liens entre les événements, elle n’aurait jamais aucune certitude de ce type concernant son père, ni rien d’approchant (…) »
(…) Ses merveilleux jumeaux.
La vie de Fred s’enroulait autour de ces deux êtres, s’imbibait de leur réalité, de leurs besoins, de leurs soucis, alors que rien ne l’avait jamais préparée à ça.
Depuis la minute même où elle avait pris la décision de ne pas les éliminer de son existence, Fred avait été consumée par l’obsession de les préserver de tout.
Il y avait eu l’image dans l’écran à l’échographie. Elle y était allée à cause de ces crampes qui lui faisaient suspecter une grossesse ectopique, ce qui aurait signifié un autre type d’avortement. Sa décision était prise, depuis le jour où elle avait su : devenir mère était une impossibilité.
Fred avait retardé le rendez-vous pour cause de surcharge de travail. Elle venait d’être nommée au poste de présidente de l’Association des médecins d’urgence, devait finaliser la recherche en toxico sur laquelle elle planchait depuis des mois et remettre un rapport d’étude sur les surdoses d’opioïdes.
Il y avait aussi qu’elle aurait préféré être condamnée à remplir des demandes de subvention et des millions de colonnes de chiffres à perpétuité plutôt que d’aller se faire avorter. C’était quand même perturbant, elle qui avait fait serment de ne jamais porter atteinte à l’intégrité d’un être humain. Et puis il y avait la honte : elle avait été stupide. Huit semaines sans règles et elle n’avait pas levé le drapeau. Elle avait pourtant assisté à tous ses cours de gynéco, s'y était même intéressée. Avait fini son stage en obstétrique avec les félicitations de ses directeurs qui l’encourageaient à en faire sa spécialité. Elle. Mettre des bébés au monde. Aider à créer des familles. Ils ne la connaissaient tellement pas.
Huit semaines sans menstruation, donc. Un plus un égal quoi, Docteure ?
Son inconscient avait refusé l’équation : sa nuit avec Maxime + le moment du mois + un mode de contraception déficient… ne pouvait pas vouloir dire ça.
Sur la civière étroite de la salle d’échographie, elle avait vu, en même temps que le technicien, les deux embryons. Qui lui avaient fait des petits signes avec leurs mains minuscules, elle en était certaine, elle les voyait très bien, tout en se répétant qu’elle hallucinait.
Le technicien n’avait pas trop su comment réagir devant cette résidente en médecine d’urgence, dont il ne connaissait que la réputation de bulldozer, qui lui faisait une crise d’hyperventilation.
En respirant à fond dans son sac de papier, elle avait expliqué qu’ils étaient dans une pièce fermée et qu’elle réagissait très mal à l’emprisonnement à cause de sa claustrophobie. Mais ce qu’ils regardaient à l’écran à ce moment précis n’avait rien à voir avec sa maladie mentale, avait-elle blagué, la sueur au front.
Le sac de papier vissé au visage, Fred, incrédule, fixait les deux crevettes. Elles flottaient à la surface de cet espace noir au fond d’elle, petits monstres en mission commandée plantés là pour changer la trajectoire de sa vie.
Ça tournait dans sa tête : dans l’absolu, très loin dans son imagination, un embryon s’éliminait. Deux, non. Elle ne pouvait pas.
Ce qu’elle voyait n’était plus une notion numérique nominale abstraite, mais une entité porteuse d’une autre réalité, impossible à appréhender désormais sous sa forme initiale. Genre, une famille. Devant elle, dans l’écran, il y avait un bébé, plus un autre bébé, qui, en plus, bougeaient. Et ça devenait trop d’humains.
Nos certitudes peuvent avoir plusieurs fondements contradictoires, c’est fou. Tu ne tueras pas ton prochain, sauf s’il est un ?
Depuis ce moment-là, sur la table d’examen, Fred n’avait plus eu comme seul objectif que de les protéger de tout et surtout d’elle-même. En se promettant de rester lucide, de ne plus refuser de regarder la réalité en face. Pour eux.
C’était aussi pour cette raison qu’elle les avait confiés à leur père.
Fred ignorait si les gestes qu’elle accomplissait dans le cadre de sa pratique avaient toujours quelque chose à voir avec son besoin de préserver le bien-être des personnes en chair et en os demandant son aide. Certains jours, elle en doutait fortement.
Mais pour ses jumeaux, oui. Elle savait.
Adrien avait-il pu avoir ce même sentiment oppressant, avant elle, devant l’infinie lourdeur de la responsabilité d’un enfant ? s’était-elle interrogée. Même si aujourd’hui, elle avait attaché des cordes, tiré des liens entre les événements, elle n’aurait jamais aucune certitude de ce type concernant son père, ni rien d’approchant (…) »